Vichy et la Révolution Nationale

Cette journée d’études fut introduite par Jean Vigreux qui présenta les principaux caractères de la Révolution Nationale. Ses notions de hiérarchie sociale, d’ordre, d’autorité et d’obéissance sont liées à une conception inégalitaire de la société, à la disparition de l’individu au profit du groupe et à une remise en cause des libertés fondamentales. Elles s’inscrivent dans le cadre d’une revanche contre-révolutionnaire sur les principes républicains.

Au cours de la première intervention, Françoise Denoyelle, maître de conférence à l’ENS Louis Lumière, a montré comment la photographie fut un instrument de propagande singulier au service du Régime de Vichy. Centrée sur la personne et le culte du Maréchal, elle promut l’image du « Sauveur » de la France. Ses portraits furent largement diffusés sous la forme d’affiches ou de bons points scolaires. Instauré par le décret du 21 juillet 1941 et la loi du 11 avril 1942, un Service Central de la Photographie se mit en place sous l’égide de Georges Raynal. Sans jamais jouer un rôle majeur, cet organisme suivit le Maréchal dans ses voyages et travailla à lier les événements de portée nationale à ceux de portée locale. Madame Denoyelle analysa également le fonctionnement des mécanismes décisionnels, les moyens techniques et les obstacles rencontrés par cet organe de propagande.

Puis Antoine Cardi, doctorant à l’université de Caen, a fait part de ses recherches sur les rapports entre les paysans et la Corporation paysanne dans le Calvados. En utilisant les archives de la Corporation paysanne mais aussi celles de la préfecture, de la gendarmerie et des Renseignements généraux, il a mis en lumière trois phases : tout d’abord l’enthousiasme de la paysannerie lors de la création des Unions corporatives du Calvados les 20 décembre 1941 et 10 février 1942, suivi rapidement des premières réserves paysannes face à la Corporation lorsque que le risque de perte de toute indépendance vis-à-vis de l’État devient évident. Enfin, dès la fin de l’année 1942, c’est le détachement des dirigeants syndicaux de la Corporation paysanne, puis de la base, qui dénoncent la trahison de l’esprit originel.

Enfin, Christophe Capuano a présenté une historiographie de la Révolution nationale en insistant sur trois temps historiographiques. Le premier, de 1945 à 1960, est marqué par le manque d’intérêt pour l’histoire de la Révolution nationale et son interprétation. La donne change au tournant des années 1970. Cette Révolution Nationale est alors au centre des préoccupations historiennes et Robert Paxton démontre qu’elle est liée de façon intrinsèque à la collaboration d’État. Enfin dans les années 1980-1990, un nouveau champ d’étude et de nouvelles priorités apparaissent : les différentes politiques composant la Révolution nationale sont étudiées dans leur spécificité. De nouvelles recherches se tournent enfin vers la société française sous Vichy et ses rapports à la Révolution Nationale.