Un patrimoine de l’immigration ?
Séminaire organisé à Dijon (Université de Bourgogne) le 20/03/2015
Organisateur(s) : Tornatore Jean-Louis
Centre(s) organisateur(s) : Centre Georges Chevrier-UMR CNRS uB 7366
Partenaire(s) : MSH Dijon
Référence électronique : Tornatore Jean-Louis (organisateurs), 2015, Un patrimoine de l’immigration ? [en ligne], séminaire, Dijon, Université de Bourgogne, disponible sur https://lir3s.u-bourgogne.fr/phonotheque/m-156, page consultée le 15/10/2024
Présentation de la manifestation
En 1996, l’historien Jean Chesneaux pointait les limites de l’histoire historienne : à n’être tournée que sur le seul passé et à oublier que celui-ci « n’a de réalité que dans le mouvement du temps », elle risquait de se rendre aveugle au fait même d’habiter le temps. En ce sens, estimait-il, « le passé et l’histoire sont bien trop importants pour être laissés aux seuls historiens ». Cette critique participait chez Chesneaux d’une réflexion sur le droit au temps, sur le déni dont il était l’objet et sur la nécessité de sa reconquête : il invitait à travailler l’épaisseur du présent plutôt qu’à céder aux sirènes d’un « présentéisme » « qui tronçonne le temps en dissociant passé, présent et avenir », de telle manière à faire du temps un lieu fort de notre culture politique.
En un sens, le développement, dans ces mêmes années 1990, d’une ethno-anthropologie du patrimoine, était susceptible de répondre en partie à cette exigence : en étendant le patrimoine à l’immatérialité culturelle, le patrimoine ethnologique avait assuré l’entrée des ethnologues dans le champ patrimonial et leur avait permis de porter leur regard sur le travail d’élaboration de la valeur patrimoniale, que ce soit autant pour des êtres du passé – bâtiments, vestiges archéologique, coutumes, etc. – que pour des entités diversement présentes auxquelles des personnes et des collectifs accordent du prix. En somme, non seulement le patrimoine comme ce qui nous vient du passé et est configuré par l’histoire et comme ce qui instaure une présence du passé dans le présent, mais avant tout le patrimoine comme ce qui compte, ce qui réfère et participe à l’actualité des collectifs – en est partie-prenante –, et formate des partenariats singuliers entre humains et non-humains (culture, nature, politique, etc.). S’ouvrait ainsi la possibilité de faire valoir et de saisir la densité du présent non pas réduit à de l’espace mais considéré « dans le temps ».
Significativement, cependant, l’anthropologie était alors confrontée au même problème d’incomplétude que Chesneaux avait relevé à propos du travail des historiens. Tout comme ceux-ci devaient abandonner leur monopole sur le passé, ceux-là voyaient menacé leur monopole sur la culture. Le fait était pointé par Daniel Fabre, dès les années 2000, sous le thème de « l’institution de la culture » : l’ethno-anthropologue n’était plus celui qui découvrait et exposait les cultures des autres, mais devait désormais composer avec les acteurs eux-mêmes, conscients de leur propre culture, l’explicitant et l’exposant. L’anthropologue brésilienne Manuela Carneiro da Cunha développait une idée proche en mettant en tension culture et « culture » : d’un côté « la toile invisible à laquelle nous sommes suspendus », de l’autre un « métadiscours réflexif sur la culture ». Et précisément, le patrimoine devenait un enjeu fort, et le moyen, de ce phénomène de cristallisation. Est-ce à dire au final qu’avec l’avènement du « temps du patrimoine » (Fabre) la culture serait devenue bien trop importante aux yeux de ses pratiquants pour être laissée aux seuls anthropologues ?
Il n’en demeure pas moins – ou alors est-ce pour cela ? – que l’anthropologie du ou des patrimoines a constitué, depuis une quinzaine d’années, un domaine en plein développement qui a contribué à une certaine dynamisation de l’anthropologie, en même temps qu’il a participé, avec d’autres disciplines, au décloisonnement des études patrimoniales et à une saisie du fait patrimonial contemporain en situations très diverses à la fois dans et hors des institutions du patrimoine – ce qui d’ailleurs ne laisse pas de suggérer que le patrimoine est devenu bien trop important pour être laissé aux seuls conservateurs. En somme, ce séminaire voudrait interroger les apports de l’anthropologie à l’analyse des phénomènes patrimoniaux contemporains : à partir de travaux qui ont approché des phénomènes de patrimonialisation dans des domaines aussi divers que la religion, l’immigration, le monde urbain, l’écologie, le vivant, l’art ou le numérique, il s’agirait de comprendre comment l’anthropologie s’y est construite une légitimité certaine et comment elle a pu se positionner par rapport au double affranchissement, administratif et scientifique, qui caractérise le patrimoine aujourd’hui.
Communications
Figures de l’immigré et démocratie patrimoniale [durée : 54 min.], Barbe Noël
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Un patrimoine de l’immigration ? Entre engagements mémoriels et enjeux politiques [durée : 61 min.], Bertheleu Hélène, Dassié Véronique
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Note ethnographique sur les « afro-descendants » et la quête mémorielle des mouvements noirs au sud du Brésil [durée : 46 min.], Sant’Ana Maria Helena
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