Projet Atelier Penser les transitions Séminaire organisé à Dijon (Université de Bourgogne) le 15/03/2018 Organisateur(s) : Centre(s) organisateur(s) : Centre Georges Chevrier-UMR CNRS uB 7366
Référence électronique : 2018, Transition et révolution. Réflexions à partir de l’expérience des transitions à la démocratie de la seconde moitié du XXe siècle [en ligne], séminaire, Dijon, Université de Bourgogne, disponible sur https://lir3s.u-bourgogne.fr/phonotheque/m-192, page consultée le 05/12/2024
Présentation de la manifestation
La notion de transition s’est imposée dans le champ politique depuis la fin des années 1970 pour désigner un mécanisme politique de sortie des dictatures vers l’établissement d’un régime qualifié de démocratique. « Transition démocratique » ou « transition à la démocratie » sont des vocables utilisés et revendiqués pour désigner et mettre en œuvre les changements de régime que l’on observe à la fin du XXe siècle en Europe du sud, en Amérique latine, dans l’Europe post-communiste puis ailleurs. Cette modalité du changement politique s’est d’emblée pensée et construite comme le contrepoint de la révolution, voire dans son rejet explicite, la continuité pacifique s’opposant à la rupture chaotique et violente. Pourtant, des décennies plus tard, nombre de ces territoires semblent souffrir de cette absence et aspirent à revivifier, autrement, le souffle révolutionnaire défaillant.
Ce n’est que par analogie que l’histoire de la France après la Second Guerre mondiale peut être pensée en termes de transition démocratique, formule qui n’a jamais été utilisée à l’époque. Mais les mécanismes d’épuration et de rétablissement de la légalité républicaine, de silence et de réveil de la mémoire – dont l’histoire tient désormais du poncif historiographique – permettent d’établir des parallèles avec les sorties de dictature observées plus récemment en Europe et en Amérique latine. Si la France est aujourd’hui encore hantée par un passé qui ne passe pas, c’est sans doute du fait de l’imperfection de son épuration et de la précocité de l’amnistie. Mais c’est bien plus certainement de ce dont elles témoignent (l’échec des projets de rénovation) et du fait qu’elles n’aient jamais cessé d’être présentées comme une sage gestion de la restauration de la démocratie. L’appel à une profonde révolution politique et sociale, qui n’était pas seulement le fait des communistes, se brise en France comme partout en Europe sur les nécessités de la reconstruction, les débuts de la guerre froide et le culte de l’unité nationale. Le rapide retour à l’ordre et le refus de penser la guerre civile hypothèquent l’avenir.
L’Espagne est aujourd’hui malade de sa transition : mythe fondateur de la démocratie, la transition est un obscur objet de désir, à la fois vilipendé et brandi comme un totem intouchable. La notion de continuité est au cœur des questionnements d’aujourd’hui comme d’hier, et porte en creux une interrogation sur l’absence de révolution. L’objet de la communication sera de comprendre les enjeux du choix d’une transition « réformiste » perçue alors comme le miroir positif et purificateur de la révolution honnie et redoutée qui, pourtant, continue de hanter l’espace politique et les représentations du passé comme du présent. Le couple à priori antinomique transition/révolution porte en son sein nombre de contradictions, autour notamment des imaginaires de la violence et des temporalités historiques, qui contribuent à expliquer les confusions du présent démocratique.
La plupart des transitions démocratiques d’après la Seconde Guerre mondiale ont été des transitions pacifiques comme dans l’espace post-soviétique qui, à la différence de la Yougoslavie, s’est démocratisé sans conduire à une guerre civile. En Europe centrale et orientale, les transitions à la démocratie ont été accompagnées de mouvements sociaux qualifiés de révolutions de velours en raison de leur caractère pacifique. Depuis son indépendance en 1991, l’Ukraine a connu deux moments révolutionnaires, la Révolution orange (2004-2005) et Euromaïdan, également connu sous le nom de Révolution de la dignité (2013-2014). Ces deux épisodes ont été, à posteriori, associés à une grève de la faim, menée par des étudiants en 1990 et appelée la Révolution de granite. Ces trois mobilisations révolutionnaires sont aujourd’hui pensées et présentées, par leurs défenseurs, comme pouvant permettre l’avènement de la liberté et de la démocratie en Ukraine. Elles serviront de base à une réflexion sur le phénomène révolution, à l’appui notamment des travaux de Charles Tilly, et sur son rôle et son apport dans les transitions démocratiques.