Projet L’espace pernandais aux échelles de l’histoire Séminaire organisé à Dijon (Université de Bourgogne) le 28/06/2011 Organisateur(s) : Centre(s) organisateur(s) : Chaire UNESCO Culture et Traditions du Vin, MSH Dijon Partenaire(s) : MSH Dijon, Centre Georges Chevrier-UMR CNRS uB 7366
Référence électronique : 2011, Espaces politiques, professionnels et viticoles à Pernand-Vergelesses [en ligne], séminaire, Dijon, Université de Bourgogne, disponible sur https://lir3s.u-bourgogne.fr/phonotheque/m-85, page consultée le 02/11/2024
Durant l’entre-deux-guerres, les Pernandais agissent pour conserver les droits d’équivalence leur permettant de produire Corton, Corton-Charlemagne et Charlemagne sur leur commune et de déclarer certains vins du finage sous l’appellation Aloxe-Corton. En décalant légèrement le regard, cette contribution se propose de montrer que, derrière ces actions syndicales et juridiques, existent d’autres positionnements attestant également, au sein du village, d’une volonté d’identification d’une production vitivinicole strictement Pernandaise. Dès 1893, le Conseil Municipal de Pernand envisage de rattacher le nom de la commune à celui du cru le plus réputé de son finage : les Vergelesses. Après la Première Guerre mondiale, les déclarations de récolte différencient et valorisent certains crus à l’intérieur de la commune. Ainsi, de la fin du XIXe siècle à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les organisations professionnelles ou les groupements municipaux n’agissent pas forcément de concert dans les processus de définition et d’appropriation des normes de production et de commercialisation des vins de Pernand. Dans cette marche vers la définition territoriale des vins, l’espace de « combat » s’avère mouvant, les limites bougent au grès des rapports de force, des contextes. À ce titre, Pernand-Vergelesses possède une réelle originalité et son histoire témoigne de la complexité et de la singularité des enjeux collectifs et individuels intervenant autour des délimitations vitivinicoles dans les territoires concernés.
« La moralité publique a des degrés : Camuzet les a tous descendus. C’est un amoral, un insexué politique déshonorant le régime parlementaire. » (« Camuzet, renégat et transfuge », Socialiste Côt- d’orien, 17 mars 1928)
La violence du propose ne saurait surprendre en un temps où l’invective fleurissait dans le champ politique. Pour autant, ce langage étonne chez un militant socialiste futur maire de la commune, alors conseiller municipal de Pernand-Vergelesses. Il dénote la distance entre des représentants de la commune et le député de la circonscription, pose la question de son origine dans un territoire politique compris comme modéré et républicain. En 1929, un bulletin à en-tête de la SFIO illustre la présentation d’une liste socialiste aux élections municipales (3M834, Archives de la Côte-d’Or). Le fait est rare dans les communes rurales et témoigne d’une politisation inédite d’un scrutin local dans un village qui compte à ce moment là moins de 100 électeurs. Intrigante, cette découverte pose plusieurs questions : comment se fait-il que des habitants d’une commune rurale, viticole choisissent la marque du socialisme pour se présenter devant leurs concitoyens ? Cela résulte t-il d’une conversion de leur part à l’idéologie socialiste, la transformation d’une culture politique auparavant républicaine ? Quelle est la part des contextes locaux, nationaux dans cette revendication ? Autant de questions qui se résument dans une interrogation sur les modalités de la politisation dans les villages au temps de la Troisième République, sur la manière dont la politique traduit des rapports sociaux, territoriaux, culturels. Dans ce cadre d’une « communalisation de l’histoire politique », l’enjeu est d’interroger la manière dont les habitants de Pernand-Vergelesses investissent le vote socialiste, pour se faire représenter, pour s’inscrire dans des systèmes politiques, nationaux et locaux.