Projet L’insulte Séminaire organisé à Dijon (Université de Bourgogne) le 21/05/2008 Organisateur(s) : Facq-Mellet Caroline, Bouchet Thomas Centre(s) organisateur(s) : Centre Georges Chevrier-UMR CNRS uB 7366 Partenaire(s) : MoDyCo-UMR 7114
Référence électronique : Facq-Mellet Caroline, Bouchet Thomas (organisateurs), 2008, L’insulte : aspects linguistiques (2) - Circulations et réappropriations [en ligne], séminaire, Dijon, Université de Bourgogne, disponible sur https://lir3s.u-bourgogne.fr/phonotheque/m-56, page consultée le 15/10/2024
Présentation de la manifestation
Dans le prolongement de l’atelier qui s’est déroulé à Dijon le 22 novembre 2006, L’insulte, un fait de langue ?, cette séance organisée par l’UMR 5605 avec le soutien du MoDyCo permettra d’envisager de nouveau l’insulte sous un angle linguistique. L’accent portera sur des processus de circulation et de réappropriations des insultes. À partir de corpus choisis dans les champs politique et médiatique, les deux intervenantes mettront en évidence le procédé, encore peu étudié, de la réappropriation de l’insulte par son destinataire. Dans une perspective argumentative, Claire Oger étudiera les contextes socio-discursifs permettant de rendre l’insulte acceptable, voire légitime. Dominique Lagorgette mettra en lumière les modalités pragmatiques qui rendent possible la multiplication de la force de l’insulte renvoyée à son auteur. Dans les deux cas, c’est l’hypothèse d’une appréhension contextuelle et discursive de l’insulte qui sera privilégiée.
À partir d’un corpus médiatique, on étudiera comment, lors de la campagne 2005 pour le référendum sur la Constitution Européenne, les tenants du « non » ont fait l’objet d’attaques virulentes, s’apparentant dans de nombreux cas à l’insulte personnelle, à travers l’usage d’îlots textuels (« moutons noirs », « nonistes ») dans les médias et comment ces mêmes termes ont en fait servi de base à la campagne (victorieuse) pour le non. Nous verrons tout d’abord les modalités d’emploi des îlots textuels (généralement issus des hommes politiques pro « oui ») dans le discours médiatique, comme vecteurs d’un argumentaire mais aussi comme renforçant une lecture consensuelle en gestation. Nous nous focaliserons tout particulièrement sur les termes « nonistes » et « mouton noir » - ce dernier ayant donné lieu à une réappropriation particulièrement spectaculaire par le camp incriminé (T-shirts, badges, autocollants, affiches ; clip, chanson ; site internet), dont nous examinerons en détails la structuration. Ceci mettra en valeur un procédé fréquemment relevé dans les échanges verbaux insultants, mais finalement peu étudié, à savoir la réappropriation de l’insulte par son destinataire. Dans ce type de phénomène (historiquement très productif comme nous le verrons aussi), la force de l’insulte semble multipliée par le mécanisme du renvoi vers son auteur : nous en décrirons brièvement les modalités pragmatiques.
L’objet de cette communication est de s’interroger sur les phénomènes de continuité que l’on peut observer entre argumentation et injure. Communément opposées, ces pratiques discursives peuvent au contraire être mises en relation et articulées, notamment selon deux axes : - l’argument ad hominem apparaît comme le lieu possible d’une « injure spécifique » (E. Larguèche) qui gomme le partage entre l’attaque verbale et la confrontation des points de vue ; - la répétition de l’injure subie – si elle peut réitérer la violence verbale – peut aussi entrer dans des stratégies de légitimation et prendre sens dans une configuration argumentative spécifique.En ce sens, loin de toujours marquer l’opposition entre le versant – licite – du débat démocratique et le versant – illicite – du déchaînement de la violence verbale, recours à l’injure et discours sur l’injure peuvent être appréhendés dans le cadre de l’argumentation polémique, où la disqualification de l’adversaire constitue un opérateur central. Dès lors l’intérêt se porte vers une autre perspective : déterminer dans quels contextes socio-discursifs l’argumentation polémique apparaît comme tolérable, voire légitime. L’arène politique pourrait en fournir le parangon, ou l’emblème.